« Ils regarderont vers Celui qu'ils ont transpercé » (Zacharie 12,10)
Le supplice de la crucifixion n’existe pas encore au VIème siècle avant Jésus-Christ à l’époque où le prophète Zacharie prononce son oracle : il évoque pourtant un Messie « transpercé », et il le compare à un « premier-né », un « fils unique » tué qui suscite une immense peine parmi le peuple :
« Ils se lamenteront sur lui comme on se lamente sur un fils unique; ils le pleureront comme on pleure un premier-né » (Za 12,11).
D’autres parleront d’une « élévation ». C’est ainsi qu’Isaïe décrit le « serviteur » de Dieu, au début de la description si puissante de ses tourments (Is 52,13-53,12) :
« Voici que mon serviteur prospérera, il grandira, s'élèvera, sera placé très haut » (Is 52,13)
C’est aussi d’élévation qu’il s’agit lorsque Dieu ordonne à Moïse de présenter une figure du Christ en Croix, le Serpent d’airain, mis devant le Peuple pour le sauver de la mort :
« Dieu envoya alors contre le peuple les serpents brûlants, dont la morsure fit périr beaucoup de monde en Israël. Le peuple vint dire à Moïse : "Nous avons péché en parlant contre YHWH et contre toi. Intercède auprès de YHWH pour qu'il éloigne de nous ces serpents." Moïse intercéda pour le peuple et YHWH lui répondit : "Façonne-toi un Brûlant que tu placeras sur un étendard. Quiconque aura été mordu et le regardera restera en vie." Moïse façonna donc un serpent d'airain qu'il plaça sur l'étendard, et si un homme était mordu par quelque serpent, il regardait le serpent d'airain et restait en vie » (Nb 21,4-9).
ce « serviteur » qui est « élevé », « placé très haut » (Is 52,13), « c’est le Roi-Messie » dit le Médrasch Yalkout : il est « haut, au-dessus d'Abraham ; élevé, plus que Moïse ; sublime, supérieur aux anges. » (cf. LRC 2 page 116). Et « le Messie, fils de Joseph sera mis à mort ainsi qu’il est écrit : "Ils regarderont à celui qu’ils ont transpercé, ils pleureront sur lui, comme on pleure sur un fils unique" (Za 12,10) » (Talmud, Soukha 52 A – Extraits du Talmud par A. Cohen, page 415).
Comme l’explique bien Paul Drach, « ce texte reconnaît la divinité du Messie fils de Joseph puisqu’il lui attribue ces paroles : "Et ils regarderont vers moi qu’il ont transpercé, et ils s’en affligeront (Za 12,10)". Or le texte met ces paroles dans la bouche de YHWH » (cf. DHES 1 page 184)
« Maudit celui qui pend au gibet » dit le Deutéronome (Dt 21,23) : voilà pourquoi les juifs voulaient absolument que Jésus soit crucifié : il s’agissait de lui faire passer un test, pour voir s’il était le Messie de Dieu ou non. Ils auraient très bien pu le mettre à mort par lapidation pour blasphème, comme ils avaient le droit de le faire, et comme ils ont fait d’ailleurs pour Saint Etienne (Ac 7,59) mais pour Jésus ce n’était pas suffisant : il fallait vérifier que Dieu n’allait pas le défendre et le sauver de la Croix, de cette mort « honteuse » (Sg 2,20), de cette mort de malédiction que seuls les romains avaient le droit de pratiquer (Jn 18,31).
Voilà pourquoi au pied de la Croix, tous interpellent ainsi Jésus, en accomplissant parfaitement la persécution du Juste décrite dans le livre de la Sagesse (Sg 2,12-24) :
« "Toi qui détruis le Sanctuaire et en trois jours le rebâtis, sauve-toi toi-même, si tu es fils de Dieu, et descends de la croix". Pareillement les grands prêtres se gaussaient et disaient avec les scribes et les anciens : "Il en a sauvé d'autres et il ne peut se sauver lui-même ! Il est roi d'Israël : qu'il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui ! Il a compté sur Dieu ; que Dieu le délivre maintenant, s'il s'intéresse à lui ! Il a bien dit : Je suis fils de Dieu !" Et même les brigands crucifiés avec lui l'outrageaient de la sorte » (Mt 27,39-44).
« Ainsi raisonnaient-ils, mais ils s'égaraient » (Sg 2,21) car c’est seulement en devenant « lui-même malédiction pour nous » (Ga 3,13) parce qu’il a « pris sur lui tous nos péchés » (Is 53,4 ; 53,5 ; 53,6 ; 53,8 ; 53,11 ; 53,12) que Jésus peut nous sauver … (cf. la vidéo : Pourquoi suis-sauvé par la mort d’un homme il y a 2.000 ans ? et l’article du même nom dans les Questions de fond d’Aleteia)
Voilà pourquoi « il fallait » (Jn 12,34) que Jésus meure sur le bois de la Croix, ce bois qui nous sauve comme jadis le bois de l’Arche de Noé (Gn 6,14), comme le bâton de Moïse (Ex 14,16) qui nous ouvre le chemin vers la Terre Promise, ou comme ce bois que portait Isaac (Gn 22,6): « Il est béni le bois par lequel advient la justice » (Sg 14,7)
Ce n’est qu’en regardant ce nouveau Serpent d’airain « élevé de terre » (Jn 12,32) qu’est véritablement ce Christ qui nous « attire tous » (Jn 12,32), et en choisissant de nous unir à lui, le seul Sauveur, que nous serons sauvés.